31ème jour : samedi 7 mai
Un mois, jour pour jour !
Cela fait un mois que nous allions à l'aéroport pour chercher une enfant qui venait se faire opérer en France. La différence est très grande entre les photos de cette arrivée et les photos que nous pouvons prendre maintenant. C'est encore plus important dans ce que nous pouvons vivre. Au début, il fallait faire attention à tout ce qui pouvait la fatiguer et d'elle-même, elle se protégeait en demandant qu'Evelyne la porte sur le dos. Maintenant, nous devons la limiter dans son exhubérance et dans son désir de faire comme les autres enfants : elle n'est encore qu'en convalescence et il faut veiller à ce qu'elle n'en fasse pas trop.
Tout cela s'est produit en un mois qui a tout fait basculer dans la vie de cette enfant "morte vivante". Nous pensons aussi aux parents, à la maman en particulier qui va bientôt retrouver une petite fille totalement différente. Alors qu'elle s'est fatiguée pendant 3 ans à la porter pour la protéger de cette maladie grave, elle va avoir devant elle une petite fille pleine de vie et qui aura à se faire une place dans sa famille, très différente de ce qu'elle était auparavant.
Cet après-midi
Evelyne et Anne vont à une réunion chez notre grande fille Karenn avec elle. D'autres mères sont là avec leurs enfants et elle va jouer avec eux, en particulier les deux plus grandes filles. Sans doute fatiguée par sa journée, elle va plusieurs fois demander à Lucile, qui n'a que 9 ans, de la porter. Evelyne va intervenir pour qu'elle ne la porte pas aussi souvent. Rentrée à la maison, c'est à Marcel qu'elle va demander de la porter. Est-ce vraiment de la fatigue ou la nostalgie de ce temps perdu de sa maladie où il suffisait qu'elle le demande pour qu'un adulte la prenne dans ses bras ? Gagner la santé, c'est aussi perdre les moments ou l'on se fait dorloter à cause de sa maladie.
Endormissement
Depuis son opération, c'est Marcel qui la porte le plus souvent et qui la couche. Evelyne n'a pas encore totalement récupérée de son mal de dos dû à la petite chute qu'elle a faite dans la chambre de l'hôpital. Têtue comme elle est, ce n'est pas qu'elle ne le ferait pas, mais les médecins lui déconseillent de porter et elle arrive, quand même, à suivre leur conseil. Cette douleur au dos qui va en s'aggravant a des conséquences sur la relation entre Evelyne et l'enfant qui ne comprend pas pourquoi Evelyne refuse maintenant de se baisser et de la prendre dans ses bras.
Jusqu'ici, la fillette lutte contre le sommeil le soir et elle se met à pleurer lorsque l'on veut fermer la lumière et s'en aller de sa chambre. Il faut toujours éviter les pleurs ! Il faut donc faire preuve de patience pour qu'elle s'endorme, fermer la lumière et s'en aller. Ce soir, sentant la fatigue de la fillette, Marcel tente le coup et ferme la lumière avant qu'elle ne s'endorme. Bien sûr, elle commence par pleurer et tente de rallumer la lumière. Heureusement, dans le noir, elle ne trouve pas le bouton. Elle pleurniche un peu et se remet dans son lit, encouragée par Marcel qui, en rengaine, chante, avec la voix basse des hypnotiseurs, la même phrase de la berceuse "une chanson douce que me chantait ma maman". A la dixième répétition environ, la respiration est devenue lente et calme, elle ne remue plus dans son lit, elle dort ! Qu'en sera-t-il demain ? Va-t-elle pouvoir accepter plus facilement cette séparation de la nuit ? Ce soir, est-ce la fatigue combinée aux "ficelles" des techniques d'hypnose qui ont endormi "chipiron" ?